Interview avec Camille Broucke, conservatrice en chef du patrimoine, directrice du Musée Unterlinden
« Je suis très attachée à l’accessibilité physique et intellectuelle de collections qui sont souvent éloignées des références des publics contemporains »
Formée à l’université de la Sorbonne, à Sciences Po Paris et à l’Institut National du Patrimoine, Camille Broucke est conservatrice du patrimoine depuis 2011. En septembre 2023, elle a pris la direction du Musée Unterlinden où elle est également responsable du service de la Conservation et chargée des collections d’art ancien, en particulier du célèbre Retable d’Issenheim.
Camille Broucke, conservatrice en chef et directrice du Musée Unterlinden
Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?
Après plusieurs expériences au sein de musées territoriaux, nationaux et américains, j’ai commencé ma carrière en tant que conservatrice territoriale titulaire au Centre national du costume et de la scène à Moulins (03). J’ai ensuite passé presque 10 ans comme cheffe du service Conservation de Grand Patrimoine de Loire-Atlantique (44), où j’ai notamment travaillé sur le projet de réouverture du musée Dobrée à Nantes.
Je suis très attachée à l’accessibilité physique et intellectuelle de collections qui sont souvent éloignées des références des publics contemporains, et je m’appuie pour cela sur la recontextualisation historique, la rencontre des approches académique et populaire, la transversalité et la pluridisciplinarité.
Vos missions sont variées entre vos casquettes de directrice, de cheffe du service conservation et de conservatrice en charge des collections d’art ancien. À quoi ressemble votre quotidien ?
Aucune journée ne se ressemble et il peut, en plus de cela, y avoir quelques imprévus… ! C’est très stimulant mais parfois un peu déstabilisant. Il faut donc aussi se ménager du temps pour le travail scientifique sur les collections et pour la réflexion et la prise de recul indispensables à l’élaboration d’une vision stratégique pour le musée.
Je dirais qu’il y a tout de même un dénominateur commun et humain à une grande partie de mes journées : réunions, rendez-vous, rencontres… Au sein de cette institution de plus de 50 agents qu’est le Musée Unterlinden, comme à l’extérieur avec les partenaires du musée, mon rôle est de coordonner les personnes et leurs compétences et de leur permettre de travailler ensemble le plus sereinement et le plus efficacement possible, au service des collections, des publics, des projets. Un peu comme une cheffe d’orchestre ! Une forme de magie peut alors se produire, qu’on appelle l’intelligence collective, où le résultat dépasse, souvent de loin, la somme des parties.
Quelles sont vos œuvres préférées des collections ?
Impossible de choisir ! Et c’est une des forces du Musée Unterlinden. Objets archéologiques, peintures et sculptures médiévales, modernes et contemporaines, objets d’art, arts graphiques, arts et traditions populaires : je fais chaque jour de nouvelles découvertes dans les collections, qui sont inépuisables. Même les œuvres que je pense déjà bien connaître continuent de me surprendre, en particulier quand je mets en écho mon point de vue avec le regard d’un.e collègue, d’un.e conservateur.trice-restaurateur.trice, d’un.e artiste, d’un visiteur…
Pour cette année 2025, vous souhaitez mettre en valeur les collections du musée et toucher en particulier les jeunes publics et les familles. Pouvez-vous nous dévoiler les projets ?
La programmation culturelle 2025 a pour principal objectif de rappeler ou de révéler aux publics toute la puissance, la pertinence et les potentialités des œuvres et objets qui composent les collections du musée.
En écho avec les arts circassiens contemporains ou comme supports de la créativité des danseurs-chorégraphes du CCN – Ballet de l’Opéra National du Rhin, les collections permanentes du musée seront également proposées à la sagacité et à l’inventivité des participants de Muséomix 2025, qui aura lieu à l’automne au sein de tous les musées de Colmar.
La programmation culturelle place déjà depuis plusieurs années les familles et le jeune public au cœur de ses propositions : la première participation du musée à la Semaine Nationale de la Petite Enfance (16-20 mars 2025) vient renforcer et développer encore cette volonté.
Tout un autre pan de la programmation, « Unterlinden autrement », invite nos visiteurs petits et grands à se laisser surprendre par des expériences originales autour des collections, que ce soit à des moments atypiques de la journée, à la lampe de poche, ou en oubliant la vue au profit de l’ouïe et de la voix…
Et il y reste encore quelques belles surprises pour la deuxième partie de l’année, elles seront confirmées et annoncées dans les mois qui viennent.
La majorité des visiteurs accueillis au Musée Unterlinden découvre pour la première fois les collections. Il s’agit d’un panel de visiteurs assez inédit pour un musée en région. Avez-vous été surprise par la typologie des publics ?
En effet, le Musée Unterlinden est un musée touristique, et il reçoit donc beaucoup de primo-visiteurs, qui viennent du monde entier. C’est une chance, peu de musées en région ont ce profil et ce niveau de fréquentation. Mais c’est aussi un défi : d’abord, parce que ce sera probablement leur seule visite au musée et que nous n’aurons donc probablement pas de seconde chance ; ensuite, parce que leurs besoins et leurs attentes sont en partie différents de ceux d’une autre part importante de nos publics, les visiteurs colmariens et régionaux, que nous voulons voir venir et revenir au musée.
Un des enjeux pour les prochaines années est là : offrir la même qualité d’accueil, de confort, d’hospitalité, de contenus, d’expérience à tous nos publics, afin que chacune et chacun, quelle que soit la raison qui l’ait poussé.e à franchir les portes du musée, soit satisfait.e, et plus que cela, enthousiasmé.e, émerveillé.e, ému.e, stimulé.e, enrichi.e, apaisé.e, rééquilibré.e…